Les Mille et Une Nuit.
« C'est en vain que l'on cherche des leitmotive toujours liés à telles images. Au contraire, dans la plupart des cas, tous ces semblants de leitmotive ne sont que des matériaux purement musicaux du développement symphonique. Ces motifs passent et se répandent à travers toutes les parties de l'œuvre, se faisant suite et s'entrelaçant. Apparaissant à chaque fois sous une lumière différente, dessinant à chaque fois des traits distincts et exprimant des situations nouvelles, ils correspondent chaque fois à des images et des tableaux différents. »

Nikolaï Andreïevitch Rimski-Korsakov (1844-1908)
Titre : Rimsky Korsakov - Scheherazade
Compositeur : Nikolaï Rimski-Korsakov
Genre : Romantique
Origine : Russie
Shéhérazade est en quelque sorte à mi-chemin entre la Symphonie fantastique d'Hector Berlioz (1830) et le poème symphonique "Les Préludes" composé par Franz Liszt en 1854. C'est une pièce en quatre mouvements comportant deux thèmes principaux : celui de Shéhérazade (violon et harpe) et celui du sultan (cuivres). Ils subissent tous deux des transformations expressives à l'image du thème de la femme aimée chez Berlioz. C'est en cela que cette pièce conserve certains critères habituels de la suite.
Cependant, son argument (les contes des Mille et une nuits) est plus proche du poème symphonique, en ce sens qu'il est moins précis que celui de la Symphonie fantastique. Il sert ainsi l'ébauche du futur poème symphonique. À cela il faut ajouter que le compositeur s'est toujours insurgé à ce qu'on fasse une lecture « habituelle » de cette œuvre, en y voyant par exemple des personnages évoluer et agir clairement. C'est tout à fait l'inverse de la démarche de Vivaldi dans sa partition des Quatre Saisons accompagnée de quatrains poétiques évoquant précisément le programme de chaque mouvement, ou de ce que fera Prokofiev dans Pierre et le Loup, avec des instruments représentant des personnages par le biais de thèmes récurrents.
La partition de Rimski-Korsakov est typique du courant musical du xixe siècle appelé « écoles nationales ». Ce courant consiste en l'utilisation de « couleurs » nationales. Pour certains pays, cela consiste en l'exaltation de ses musiques folkloriques. Il s'agit aussi de l'exaltation de musiques d'autres pays au titre de l'exotisme. C'est le cas de Shéhérazade dans laquelle Rimski-Korsakov dépeint les couleurs orientales du pays des mille et une nuits.
D'une manière générale, l'utilisation du violon solo pour le thème principal se justifie par la sonorité de l'instrument. Le timbre fin et légèrement métallique du violon, surtout dans l'emploi de son registre aigu, génère un indéniable parfum d'exotisme. Les accords de la harpe rappellent l'instrument d'appartement qui se jouait en intérieur. La conjugaison des deux instruments illustre la conteuse.
Dans la suite du premier mouvement, les vagues sont symbolisées par des arpèges par les cordes graves (violoncelles et altos). De brefs rappels du thème, au violon solo, puis à la flûte et à la clarinette permettent une connexion entre la jeune conteuse et son récit, qui lui narre l'histoire du marin qui vogue sur les vagues. Concrètement, cette connexion se traduit par des vagues arpégées en noires et des rappels sur des motifs en triolets de croches. Le tempo, à la blanche pointée, permet de superposer les deux thèmes sans les brouiller. Le premier mouvement se termine sur un « coucher de soleil » : accord de vents ponctué par des pizzicati.
Première écoute au festival de la Roque d'Anthéron le mois dernier en compagnie du Philharmonie Zuidnederland sous la direction de Dmitri Liss.
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